En tant que manager, il arrive un moment où nous sommes face à une situation délicate…celle de devoir intervenir auprès d’un employé sur une action, une omission, une attitude ou un comportement inadéquat. Comment choisir la nature de notre intervention? Allons-nous vers une mesure disciplinaire ou vers un moyen pour aider et soutenir l’employé?

D’abord définir les attentes

La conséquence d’un manquement est parfois déjà définie dans une convention collective ou dans un guide du personnel. D’ailleurs je vous invite, si ce n’est déjà fait, à partager explicitement avec le personnel les attentes de l’entreprise en terme de résultats, mais aussi en terme d’attitudes et de comportements attendus.

Même les plus petites organisations ont plusieurs avantages à effectuer cet exercice d’ouverture. En effet, détailler les grandes lignes de l’entreprise au niveau de l’éthique, des valeurs soutenues ainsi que des comportements attendus, voilà le premier pas à faire en vue d’obtenir l’adhésion du personnel au partage de ces valeurs.

Il ne s’agit pas de dicter comment agir, ce qui risquerait de tuer la créativité et la richesse des différences. Il s’agit plutôt d’établir clairement ce qui n’est pas négociable. Par exemple, si nous voulons valoriser le travail d’équipe, nous pouvons décliner cette valeur en terme de comportements souhaités tels que l’entraide et le partage entre collègues au niveau du temps, des connaissances et du matériel appartenant à l’entreprise.

Il est beaucoup plus agréable et facile d’agir sur des faits lorsque les balises ont été clairement établies dès le départ. On gagne un temps précieux à ne pas expliquer la base de nos attentes encore et encore avant de pouvoir agir.

L’importance d’agir

Je me permets de parler brièvement ici de l’importance d’agir pour le manager. Une situation problématique qui est passée sous silence peut avoir plusieurs conséquences négatives sur la motivation des employés, peut apporter de la frustration ou avoir un effet d’entraînement. Alors que, même si ce n’est pas là un aspect du travail généralement apprécié du manager, le fait de se faire une obligation morale d’intervenir auprès d’employés difficiles ou en difficulté ne peut qu’être bénéfique pour les employés les plus performants en particulier et pour l’organisation en général.

Le courage managérial (parce que c’est bien de cela que nous parlons ici!) est une nécessité dans un contexte où le changement est la norme et où les organisations doivent pouvoir compter sur leur personnel et sa performance pour se démarquer.

J’entends certains dires… Oui, mais dans un contexte syndiqué, ce n’est pas toujours facile! Je sais. C’est en assumant nos devoirs et responsabilités avec courage (et bien sûr un brin d’habileté) que le respect s’établit et que nos interventions sont perçues de manière un peu plus positives.

Intervenir différemment selon l’attitude et la performance

Maintenant que les attentes sont clarifiées et que nous voulons agir, il faut tout de même choisir la nature de l’intervention que nous effectuerons.

Plusieurs aspects sont à prendre en compte. Pour simplifier la démarche, dans les points suivants nous évaluerons la situation selon deux aspects : l’attitude et la performance. Ainsi, nous pourrons nous doter d’une philosophie d’intervention cohérente.

Employés vivant des difficultés / problème de performance

Il y a des employés qui ont une grande volonté et une attitude en or, mais qui ne parviennent pas à répondre aux attentes de l’organisation en terme de résultats et cela pour diverses raisons (manque de connaissances, d’habiletés ou de structure, problèmes personnels envahissants, etc.) On parlera alors d’employés vivant des difficultés.

Dans ces cas, les moyens à privilégier d’abord sont de l’ordre du soutien et du suivi. La première étape est de bien cibler la difficulté rencontrée. Il est alors important de ne pas prendre pour acquis que nous connaissons réellement les causes de celle-ci. Nous pouvons ouvrir le dialogue sur les faits observés et laisser la personne parler des causes sous jacentes à ces difficultés et qui la concernent. J’attire votre attention sur “LA concernent”, qui veut ici dire : qui se rapportent à elle et non aux causes extérieures pouvant nuire également à sa performance!

Sans entrer dans une relation d’aide, il est possible simplement de faire le lien entre les résultats à atteindre dans l’organisation et les difficultés qui doivent être relevées pour répondre aux attentes. Si vous êtes rendu à intervenir, c’est que la situation nécessite une attention particulière. Les attentes doivent être claires et leur réalisation soumises à un échéancier et à un moyen de suivi établis dès le départ.

Nous pouvons par la suite et selon la situation, proposer des moyens pouvant être utiles : pairage, formation, coaching, stage…

Employés difficiles / problème d’attitude

La tâche s’effectue avec beaucoup de facilité pour ces employés mais ils ont une attitude négative (minent le moral des autres, sabottent volontairement leur travail, ne respectent pas les normes de l’entreprise volontairement, etc.) On peut alors parler d’employés difficiles. Les interventions à privilégier avec ces personnes sont de l’ordre du recadrage et de la mesure disciplinaire.

Pour ce qui est des mesures disciplinaires, plusieurs règles doivent être respectées puisqu’il s’agit de mesures touchant des aspects légaux. Nayant pas de formation au plan juridique, je ne développerai donc pas davantage sur ce point. Vous pouvez toutefois trouver de très bonnes références gratuites sur Internet, notamment en visitant le site de l’Ordre des conseillers en ressources humaines agréés.

Je me permets tout de même de vous parler brièvement des rencontres de conciliation ou de transmission de mesures disciplinaires. Vous pouvez vous attendre à toutes sortes de réactions. Personnellement, j’ai vu des gens qui restaient de glace, d’autres qui explosaient, certains qui étaient surpris, certains autres qui s’y attendaient. Comme en négociation, il est préférable de demeurer doux avec les personnes et dure avec les propos, il est aussi possible d’accueillir humainement et avec respect la personne dans sa réaction et de demeurer ferme concernant l’analyse des faits qui ont mené à l’intervention.

Tableau synthèse

En somme, et pour condenser les propos qui précèdent, on parle de “volonté” (je veux) pour l’attitude et de « compétences dans l’exécution » (je peux) pour la performance. Voyons comment cela peut prendre forme dans un tableau.

Synthèse solutions selon performance attitude

Il est plus complexe dans le dernier cas d’intervenir. De plus, c’est comme l’oeuf ou la poule, ce n’est pas évident de savoir lequel est arrivé en premier. Il est facile avec ce type d’employés de vivre un petit découragement et de ne pas vouloir trop investir de temps ni d’argent. Dites-vous par contre que cela évolue rarement positivement sans intervention!

Personnellement, pour m’aider à définir la nature du problème et effectuer un recadrage efficace, j’aime utiliser comme outil une théorie apprise dans le cours de gestion des communications (MNG-6047) suivi dans le cadre du DESS en développement des organisations à l’Université Laval.

Brièvement, cet outil nous aide à ne rien prendre pour acquis. Il nous oblige à partir de la base, questionner la situation de manière à bien cerner le niveau du problème. On peut même parler de cibler sa « nature ».

Par exemple, dans le cas d’un employé qui n’a pas suivi une règle, les questions à se poser, dans cet ordre, sont :

  • Est ce que la règle est connue?  Solution –> informer.
  • Est-ce que la règle est comprise?  Solution –> expliquer.
  • Est ce que la règle est acceptée?  Solution –> confronter.
  • Est-ce que la règle est respectée?  Solution –> questionner les capacités.
  • Est-ce que la règle donne les effets attendus?   Solution –> réévaluer.

Dès que l’on répond non à une de ces questions, on utilise la solution reliée à celle-ci. Nous pouvons alors adapter la suite de notre intervention et la réévaluer selon les mêmes questions lors des suivis au besoin.

L’estimation de l’impact de l’intervention

Un autre aspect important à prendre en compte dans le choix d’une mesure disciplinaire ou de soutien à l’employé est l’évaluation de l’impact de celle-ci.

Notamment, il est primordial de se poser les questions suivantes: quelles seront les conséquences pour…

  • la personne concernée?
  • les membres de son équipe?
  • le reste du personnel?
  • le chef d’équipe?
  • le gestionnaire?
  • la clientèle?
  • l’image publique de l’organisation?

Dans les questions précédentes, on se doit de demeurer sensible au sentiment de justice et d’équité autant pour les employés qui performent bien que pour ceux qui se sont déjà trouvés dans une situation similaire. Soyez conscient du « précédent » que vous créez dans l’organisation.

Vous pouvez ensuite vous fier sur votre évaluation des risques et de la gravité des conséquences possibles pour prendre votre décision finale.

Pour une intervention efficace

Pour une intervention efficace, il faut minimalement évaluer les aspects traités précédemment pour comprendre de quelle manière il sera plus avantageux d’agir dans la situation.

En résumé, si vous avez deux questions à vous poser pour prendre votre décision sur la nature de votre intervention je vous suggère celles-ci:

Est-ce un employé difficile ou un employé vivant des difficultés?

Quel sera l’impact de la mesure?

Cela vous aidera à viser une adéquation entre les moyens utilisés et le résultat souhaité!

S’écouter

En tout dernier lieu, il est important d’écouter sa petite voix intérieure! Celle qui résonne dans notre tête pour nous dire que rationnellement tous les éléments y sont pour agir d’une manière X et que, malgré tout, on sent qu’on est en train de faire une erreur… que ce n’est pas la meilleure manière d’agir dans la situation.

Je l’ai déjà souligné dans d’autres articles…, selon moi il n’existe pas de recette miracle! Chaque personne, chaque contexte, chaque organisation et chaque manager est unique.

Une fois que l’on sait ce que l’on “devrait faire”, il est important de déterminer ce que l’on “veut faire” en toute connaissance de causes et de conséquences et … se faire confiance!